Jeunes Vétérinaires Tunisiens au-delà des frontières...

L'étude des cétacés : un confrère Tunisien en première ligne sur cet enjeu environnemental majeur

Notre série sur les jeunes vétérinaires tunisiens au-delà des frontières se poursuit : après le Vietnam et les premières impressions de notre Consoeur Mariem Hajji, nous vous proposons aujourd'hui de partir en Belgique, partager l'expérience de Tarek Rebhi interne à l’Ecole Nationale de Médecine Vétérinaire de Sidi Thabet, qui nous livre ici le compte-rendu de sa participation au 10ème atelierde nécropsie des cétacés à Liège.

L'étude des grands mammifères marins est un enjeu environnemental majeur. La compréhension des causes entraînant leur mortalité livre des indicateurs et des informations sur leur biotope, et donc sur l'écosystème marin dont la bonne santé est essentielle pour la survie de l'espèce humaine.

Il est capital que la Tunisie, comme toutes les autres nations maritimes, participe à ces travaux et à ces efforts de connaissance. C'est pourquoi nous vous livrons ici ce témoignage de notre confrère Tarek Rebhi.

 

 

Tarek Rebhi

L’échouage simple ou de masse des baleines et des dauphins est un phénomène assez fréquent qui provoque le plus souvent la mort de ces cétacés.

Plusieurs théories ont expliqué ces phénomènes et dans la plupart des cas, il est difficile d’attribuer ces échouages à une seule cause, probablement dus à un complexe d’interactions de facteurs physiques et biologiques tels que les courants océaniques, les marées et la configuration côtière, le comportement migratoire et social de l’animal, la disponibilité des aliments, l’écholocation ou l’échec de l’orientation et les maladies qui ont des effets débilitants. Toutes ces considérations doivent être prises en compte pour évaluer  les causes d’échouage.

L’émergence de nouvelles maladies telles que les infections par le morbillivirus, la brucellose … ou les nouvelles théories en relation avec les activités anthropiques toujours en expansion (pollution, sonar, activités militaires …) justifient d’effectuer l’évaluation post-mortem de tous les animaux échoués en se basant sur des investigations multidisciplinaires (pathologie, microbiologie, toxicologie …) nécessaires dans l’amélioration de  nos connaissances quant aux causes d’échouage et de l’état de santé de la population des mammifères marins.

Pour atteindre cet objectif, le département de pathologie vétérinaire de la faculté de médecine vétérinaire de Liège (Belgique) a organisé en collaboration avec le Laboratoire de Bioacoustique Appliquée LAB (Université Polytechnique de Catalogne - Espagne) et l’UMS Pelagis, Centre de recherche sur les mammifères marins (Université de La Rochelle - France) le 10ème atelier de nécropsie des cétacés du 6 au 8 juillet 2016 qui s’intéresse à la nécropsie et l’échantillonnage selon des normes standards de la Société Européenne des Cétacés (ECS pour EuropeanCetacean Society).

Notre participation à cet atelier, avec 13 autres personnes , était d’acquérir les compétences nécessaires dans les procédures de dissection et d’échantillonnage effectuées sur les cétacés, en anatomie et en pathologie, compte-tenu du fait que la Tunisie, membre de l’ACCOBAMS (Accord sur la Conservation des Cétacés de la Mer Noire, de la Méditerranée et de la zone Atlantique Adjacente) depuis 2006,  est un pays ayant des côtes étalées sur 1 148 kilomètres.

Mosaïque de photos de la première journée de l’atelier de nécropsie des cétacés

L’atelier de nécropsie a été organisé au sein de département de pathologie vétérinaire de la faculté de Liège. La première journée fut dédiée à la démonstration des techniques de nécropsie et d’échantillonnage sur des cadavres congelés de mammifères marins tout en passant par la présentation de leur anatomie et des principales pathologies incriminées dans les causes d’échouage. En salle d’autopsie, les deux professeurs T. Jauniaux et W. Dabin nous ont guidés dans les manœuvres de dissection de dizaines de marsouins (Phocoenaphocoena) collectés suite à leur échouage morts. Nous avons fini cette journée par une visite aux laboratoires d’analyses du département de pathologie de la faculté.

Le Pr. Thierry Jauniaux, département de pathologie de la faculté vétérinaire de Liège, Belgique

La deuxième journée de la formation fut entamée par des conférences en relation avec l’acoustique marine. Le professeur M. André (LAB, UPC) a exposé deux présentations ; la première intitulée « ocean noise : making sens of sounds », à travers laquelle il a mis la lumière sur l’impact des bruits sur le mode de vie des mammifères marins et sur leurs systèmes d’écholocation et les dangers résultants de l’accroissement de l’activité humaine en milieu océanique.

Le Pr. Michel André, Directeur du Laboratoire d'Applications Bioacoustiques (LAB, UPC)

Il a aussi détaillé dans cette présentation une étude sur l’audiométrie des cétacés et leur importance dans la communication inter-espèce et dans l’écholocalisation puis il a fini en mettant l’accent sur les « futures solutions » dans le but de diminuer la nuisance des sons sur la vie des mammifères marins.

La deuxième présentation de M. André a détaillé les techniques d’extraction et de fixation de l’oreille interne des cétacés vue leur importance dans l’orientation de diagnostic nécropsique en cas d’une suspicion de mort suite à un accident acoustique.

Par la suite, le professeur Eduard Degollada, de l’association EDMARKTUB (association dédiée à l’étude, la diffusion et la conservation de l’environnement marin et en particulier à la recherche sur les cétacés : les dauphins et les baleines), nous a présenté une approche de nécropsie lors des traumatismes acoustiques chez les cétacés et les principales lésions de l’appareil sensoriel causées par les bruits océaniques intenses.

Le Pr.  Eduard Degollada, président de l’association EDMARKTUB, Espagne.

La séance de l’après-midi de la deuxième journée de formation fut consacrée à des démonstrations de l’utilisation de l’échographie chez les phoques et en particulier en diagnostic de gestation, ainsi qu’à l’extraction des oreilles internes et leur fixation chez les marsouins.

Démonstration de l’utilisation de l’échographie en termes de diagnostic de gestation chez les phoques gris.

 

 

Enfin et avant de clôturer la formation et procéder à la remise des attestations de participation lors du dernier jour de l’atelier, nous avons disséqué sept autres cadavres de marsouins mais aussi nous avons procédé à l’extraction et la fixation de leurs oreilles internes.

Photos de la deuxième journée de la formation en salle d’autopsie avec le Pr. E. Degollada : manipulation de l’oreille interne des cétacés.

 

Conclusion :

L’intérêt de l’autopsie de ces animaux dépasse l'identification des lésions, des causes de mortalité et de leur origine et s'inscrit dans un cadre global de surveillance et d'évaluation de l'écosystème marin. La mise en place de réseaux multidisciplinaires intégrés et reconnus est la base de ce principe. L'étape la plus délicate est la sensibilisation et la collaboration des autorités publiques et les associations afin d'obtenir les autorisations d'intervention et de gestion des échouages, y compris celles de pouvoir réaliser des autopsies sur les plages tunisiennes, dans le respect des procédures et de la sécurité des équipes d'intervention.

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